Collège Raimon, 21XX."Où est-il passé??"
"J'ai cru le voir partir de ce côté!!"
"Faisons le tour du bâtiment! Il ne doit pas nous échapper!!"
Assis sur un des bancs de la grande cour du collège, deux jeunes étudiants regardaient s'agiter autour d'eux des dizaines de leurs camarades, courant dans tous les sens, dans la précipitation et la panique la plus totale."Ils ne lâchent pas l'affaire, ces gars-là."
"Qu'est-ce que tu veux, Sakura. Laissons-les courir, ils finiront bien par abandonner."
Un élève plus âgé s'approcha d'eux et commença à leur crier dessus."Hikagi, Tsukimi, restez pas plantés là et aidez-nous à chercher!"
Hikagi: "À quoi ça sert? Il nous échappe à chaque fois. Je préfère garder mon énergie pour autre chose que courir bêtement tout le long de la récré."
Tsukimi: "Ouais, pareil."
"Bande de paresseux! Vous...!"
L'étudiant fut interrompu par un autre élève, plus jeune, qui arriva en courant, essouflé."
Nishiura-sempai! On l'a repéré près du bâtiment de la bibliothèque! Ceux du club de volley et du club d'athlétisme sont déjà sur place!"
"Merde! Pas question de le laisser à ces clubs de minables! Il est à nous et à nous seuls, le club de tennis!!"
Il partit en courant vers la bibliothèque, furieux. L'autre élève, confus, finit par le suivre également.Hikagi: "Tu veux que je te dise, Sakura?"
Tsukimi: "Hm?"
Hikagi: "Je crois qu'il est encore loin, le jour où ils arriveront à recruter
Souta Hibanaki..."
Chapitre 1: "Mon truc, c'est le football"
"On te tient, Hibanaki! Tu peux plus t'enfuir, à présent!"
Devant l'entrée de la grande tour qui habitait la bibliothèque du collège, une douzaine d'élèves en encerclaient un autre. Il avait des cheveux roux mi-longs, et deux épis longs et fins dépassaient du haut de son crâne. Son uniforme, contrairement à ceux des autres qui étaient tous impeccables, était tout froissé, délavé, et même un peu déchiré à certains endroits. Il portait un collier rouge vif, et avait des écouteurs dans les oreilles -ce qui était absolument contraire au règlement, soit dit en passant, mais ne l'inquiétait pas le moins du monde. Faisant mine de tout juste remarquer tous ces gens autour de lui, il retira les écouteurs de ses oreilles, enroula les câbles autour de son baladeur, et fourra le tout dans la poche de sa veste.Hibanaki: "Hm? C'est pour quoi?"
Gérant du club d'athlétisme: "Fais pas l'innocent, Souta Hibanaki! Tu pensais pouvoir nous échapper?"
Hibanaki: "Vous échapper? Je vois pas de quoi vous parlez, j'allais juste à la bibliothèque rendre un bouquin que j'avais emprunté."
Gérant du club d'athlétisme: "Ben voyons!! On a bien vu que tu courais pour essayer de nous semer!!"
Alors que les cris s'enchainaient, un autre élève arriva en courant, bousculant tous les autres pour se rapprocher du centre du cercle.Gérant du club de tennis: "Dégagez!! Hibanaki est au club de tennis!"
Gérant du club de volley-ball: "Pour qui tu te prends, Nishiura! C'est nous qui l'avons trouvé en premier, nous le club de volley-ball!"
Gérant du club d'athlétisme: "N'importe quoi! C'est nous qui étions les premiers! Hibanaki rejoindra le club d'athlétisme!!"
Avec un sourire en coin, Souta essaya de calmer ses camarades qui étaient à deux doigts de s'entretuer.Hibanaki: "Du calme, du calme... Alors, à quoi j'ai le droit aujourd'hui...? Le club de tennis, le club de volley-ball, et... le club de
ceux qui courent en rond pendant une heure et demie."
"Ça s'appelle de l'athlétisme, idiot!!"
"Eh! T'es pas bien? C'est Hibanaki, lui parle pas comme ça!"
Hibanaki: "Écoutez les mecs... Ça me touche que vous vouliez tous que je rejoigne votre club, mais... j'en ai rien à cirer de vos sports de nazes."
"Sports de nazes? Il se prend pour qui le rouquin??"
"Chut! Il va t'entendre! On insulte pas Souta Hibanaki, enfin!"
Gérant du club de tennis: "Si tu trouves nos sports pas à ton goût, qu'est-ce t'aimes, alors?"
Souta resta silencieux un instant, puis remarqua qu'un des membres du club de volley-ball avait une balle en main. Il s'approcha de lui, et avant que celui-ci n'ait eu le temps de réagir, il lui arracha la balle des mains, et la lança en l'air. Il la laissa retomber, puis d'un coup de pied il la remit en l'air, et jongla ainsi avec la balle pendant quelques secondes, avant de l'arrêter avec ses mains.Hibanaki: "
Mon truc, c'est le football."
Tous les sportifs autour restèrent silencieux suite à cette déclaration.Hibanaki: "Je ne joue qu'au foot. Les autres sports ne m'intéressent pas, et les activités culturelles sont chiantes au possible. En clair, aucun des clubs d'activités dans ce collège ne m'intéresse. Les gars du club de basket, du club de shôgi, et de tous les autres clubs l'ont compris depuis un bon moment. Alors pourquoi vous continuez à me courir après pour me recruter dans vos clubs pourris? Laissez-moi vivre un peu..."
Gérant du club de volley-ball: "Mais réfléchis un peu! Tu es un sportif hors-pair! Tu pourrais avoir un niveau national dans n'importe quelle discipline! Essaye-toi à d'autres sports!"
"Ouais, comme le tennis!"
"Non, l'athlétisme!"
"Cassez-vous, il rejoindra notre club de volley!"
Une nouvelle dispute globale démarra. Épuisé, Souta soupira, serra fermement le ballon de volley dans sa main, et le lança de toutes ses forces vers le gérant du club de tennis. Celui-ci laissa échapper un petit cri, et attrapa de justesse la balle avant qu'elle ne vint s'écraser sur son visage. Surpris, tout le monde se tut.Hibanaki: "Toi, là. C'est quoi ton nom, déjà?"
Gérant du club de tennis: "Ni... Nishiura! Taketo Nishiura, gérant du club de tennis!"
Souta acquiesça, puis fit signe à Nishiura de lui renvoyer la balle. Celui-ci eut un moment d'hésitation, puis il lui lança la balle. Souta se tourna alors vers le gérant du club de volley-ball, et lui lança la balle, qu'il réceptionna.Hibanaki: "Ton nom."
Gérant du club de volley-ball: "Shinichi Osamugawa, du club de volley!"
Comme précédemment, Souta récupéra la balle et l'envoya au troisième gérant, à qui il n'eut pas le temps de demander son nom.Gérant du club d'athlétisme: "Et moi je suis Masashi Fukasawa. Je dirige le club d'athlétisme."
Et sans attendre d'ordre, il lui renvoya la balle. Souta sourit, puis reprit la parole.Hibanaki: "Très bien. On va régler ce problème de recrutement une bonne fois pour toutes. Je veux que tout le monde dégage sauf les trois, là. On va décider ça à nous quatre."
Certains se mirent à rouspéter, mais les trois chefs firent signe à leurs collègues de s'éloigner comme Hibanaki l'avait demandé.Hibanaki: "Bien. Vous trois, je vais vous proposer un petit jeu qui va décider quel club je vais rejoindre."
Nishiura: "Ça y est? Tu t'es décidé à rejoindre un de nos clubs!"
Hibanaki: "T'excite pas, mon gars. J'ai pas dit que j'allais
forcément rejoindre un de vos trois clubs."
Il se remit à jongler avec le ballon de volley.Hibanaki: "J'aurais préféré faire ça avec un vrai ballon de foot, mais vu qu'on n'a même pas ça dans ce collège pourri... Voilà le marché: il reste trois minutes avant la fin de la pause. Celui qui arrive à me piquer la balle gagne le jeu; je rejoins son club. Mais si je garde la balle jusqu'à la sonnerie, vous allez tous au diable et vous me fichez la paix au moins jusqu'à l'année prochaine."
Fukasawa: "Te prendre la balle? Tu veux dire, comme si on jouait au foot?"
Nishiura: "Pff! Ça va être du gâteau!"
Osamugawa: "Ce ballon de volley est un signe; prépare-toi à rejoindre le club de volley-ball!!"
Hibanaki: "On va bien voir... Oh, et une dernière chose, vous trois..."
Les trois: "Quoi?"
Hibanaki: "Vos noms sont compliqués, j'en ai pas retenu un seul... Donc je vous appèlerai respectivement "Gros naze 1", "Gros naze 2" et "Gros naze 3", compris?"
Les trois: "C'était bien la peine de nous demander nos noms!!!"
"Eh! Venez voir! Y parait que Hibanaki a défié Nishiura, Osamugawa et Fukasawa!!"
Très vite, il y eut tout un attroupement devant le bâtiment de la bibliothèque. Toute une partie des collégiens s'était rassemblée autour des quatre sportifs, qui luttaient avec acharnement. Les trois premiers pour obtenir le ballon; le quatrième pour ne pas succomber à l'ennui.Fukasawa: "Comment est-ce qu'il fait pour être si rapide?? Je fais de l'athlétisme, je devrais être plus rapide que lui pourtant!!"
Hibanaki: "Et bien, et bien? Vous êtes déjà essoufflés? Ça fait même pas deux minutes qu'on joue."
Osamugawa: "Merde... Être le chef de l'équipe de volley et ne pas pouvoir reprendre notre ballon à un footeux... C'est la honte pour notre club! Je me retire..."
Hibanaki: "À la bonne heure! Vous abandonnez aussi, Gros nazes 1 et 3?"
Nishiura: "Grr... Mon nom est Nishiura!!"
Fou de rage, Nishiura courut vers Souta et essaya de le tacler en faisant une glissade. Souta esquissa un sourire, puis frappa la balle d'un vif coup de pied. La balle s'éleva alors dans les airs. Souta fit un bond en l'air pour éviter la glissade de Nishiura, courut en avant, et s'arrêta, prêt à réceptionner la balle qui retombait. Derrière lui, Nishiura se relevait et s'apprêtait à lui courir après, et face à lui se tenait Fukasawa, qui après un moment d'hésitation commença à s'avancer également. Le ballon retomba au sol, Souta le bloqua sous son pied.Nishiura: "Tu vas voir...!!"
Nishiura fonçait vers lui, Fukasawa aussi. D'un léger coup de pied, il poussa la balle en avant. Elle roula et passa tranquillement entre les pieds de Fukasawa. Celui-ci, surpris, s'arrêta net dans sa course. Souta fit un bond sur le côté, et contourna Fukasawa, toujours immobile. Nishiura, dans son élan, entra en collision avec ce dernier, et les deux tombèrent au sol. Souta bloqua la balle avec son pied, et la sonnerie de reprise des cours retentit.Hibanaki: "Voilà. J'ai vu."
Les élèves qui s'étaient attroupés autour des joueurs applaudirent et se mirent à commenter ce petit match. Sans avoir trop compris ce qui leur était arrivé, tant les événements s'étaient enchainés vite, et encore un peu sonnés par leur collision, Nishiura et Fukasawa se relevèrent, confus.Nishiura: "Grr... Tu perds rien pour attendre, Hibanaki...!!"
Hibanaki: "Lâchez l'affaire. Vous n'arriverez jamais à me recruter."
Il shoota dans le ballon de volley et l'envoya en direction d'Osamugawa, qui l'attrapa et le garda sous le bras.Hibanaki: "Vos sports ne sont pas inintéressants, mais dans le football, il y a ce truc; ce petit quelque chose qui le rend plus passionnant, plus vivant, plus...
excitant. Je ne sais pas vraiment ce qui rend le football si spécial à mes yeux; mais c'est comme ça. Il n'y a que le football qui soit assez excitant pour moi. Et c'est ça que je recherche dans le sport, de l'excitation."
Fukasawa: "De l'excitation, hein..."
Hibanaki: "Ce défi était d'un ennui mortel, vous n'étiez pas assez excités. Je ne cherchais pas qu'à tester votre force au football, ce que je testais avant tout, c'était votre excitation. Et vous avez échoué à ce test, malheureusement. Comment vous voulez attirer des gens dans vos clubs si vous ne savez pas rendre le sport excitant?"
Ils n'étaient pas sûrs de tout comprendre à ce charabia, mais les trois chefs se sentaient misérables en entendant ça.Hibanaki: "Allez, c'est l'heure d'aller en cours. À la revoyure."
Il s'en alla, puis les autres firent de même pour ne pas être en retard.Souta s'éloigna de la bibliothèque, et partit en direction du bâtiment où il allait avoir cours. Le collège Raimon se divisait en quatre bâtiments distincts. Le bâtiment principal, un énorme bâtiment de verre de cinq étages, où avaient lieu la plupart des cours, se trouvait en plein centre de la cour. Un blason orné d'un éclair, tel les armoiries de l'école, trônait au sommet de la façade. La tour de la bibliothèque se trouvait juste à côté, des passerelles la reliant au bâtiment principal à chaque étage. Sur le côté gauche de la grande cour, près de l'entrée principale, se trouvait un bâtiment plus petit, abritant les laboratoires pour les travaux pratiques de chimie ou de biologie, ainsi que la salle des professeurs. Le dernier bâtiment, situé à l'opposé des laboratoires, appartenait à l'administration; c'était dans ce bâtiment que se trouvaient les bureaux du directeur, du principal, et de la scolarité générale. La partie de la cour située derrière le bâtiment principal rassemblait les foyers de tous les clubs d'activité du collège: des terrains de volley, de basket, des courts de tennis, des pistes d'athlétisme, même une piscine. L'autre partie de la cour, encadrée par les quatre bâtiments, était quant à elle complètement vide. Quelques bancs ça et là, des blocs de pelouse, des arbres... mais rien d'autre. Aux yeux de Souta, cette partie lui avait toujours paru vide. Comme s'il manquait quelque chose. Pourquoi n'aménageaient-ils pas un truc au centre de la cour? Un terrain de football, par exemple, il y avait largement la place. C'était tout de même étonnant que personne n'ait jamais songé à prévoir des installations pour jouer au football dans ce collège. C'était comme si personne n'avait jamais joué à ce sport.Alors que Souta était perdu dans ses pensées, une voix vint le tirer de ses réflexions."Souta!"
Il se retourna, et vit une jeune fille qui le rejoignait en courant. Elle avait les cheveux bruns, avec deux longues couettes autour desquelles pendaient deux longs rubans rouges. Cette fille, il la connaissait.Hibanaki: "Ah! Touko."
Touko: "J'ai entendu dire que tu t'étais bagarré avec les gars des autres clubs?"
Hibanaki: "Mais non, voyons; on a juste fait un petit foot improvisé."
Touko: "Je vois... J'ai raté quelque chose?"
Hibanaki: "Même pas. C'était nul."
Touko laissa échapper un petit rire. Ils pénétrèrent dans le bâtiment principal et empruntèrent les escaliers mécaniques pour rejoindre leur salle de classe.Hibanaki: "Sérieux, je commence à en avoir assez."
Touko: "De?"
Hibanaki: "De ça. De me faire pourchasser à chaque récré par tous ces gens qui veulent que je rejoigne leur club..."
Touko: "Il faut les comprendre, Souta. Tu n'es pas n'importe qui! Tu es Souta Hibanaki, le garçon le plus populaire du collège! Depuis que je te connais, tu as toujours eu la note maximale en éducation physique, tu excelles dans tous les domaines. Tu imagines la réputation que leur club pourrait avoir si tu les rejoignait?"
Hibanaki: "Ouais, je sais; et ça me touche qu'ils aient autant d'estime pour moi... Mais j'ai déjà dit non des milliers des fois, ça commence à être lourd. Et de toute façon, j'ai pas envie de faire du sport en dehors des cours; les deux heures d'EPS chaque semaine me suffisent."
Touko: "Oh, vraiment?"
Hibanaki: "Hm... Bon, s'il y avait un club de foot, ce serait différent; là je le rejoindrais sans hésiter. Mais les clubs qui existent dans ce collège ne m'intéressent pas, c'est tout."
Arrivés à leur étage, ils traversèrent le long couloir qui en faisait le tour jusqu'à leur salle de cours.Touko: "C'est bien dommage. Mais tu sais, je pense quand même que tu devrais essayer de rejoindre un club, ne serait-ce que pour tester. Regarde, moi; j'adore le football, comme toi c'est de loin mon sport préféré. Mais ça ne m'a pas empêchée de rejoindre un club totalement différent, le club de théâtre. Et je m'éclate dans ce club! Il y a onze clubs dans ce collège, je suis sûre qu'il y en aura au moins un où tu pourras t'amuser un minimum. Il n'y a pas que le foot dans la vie, Souta."
Ils étaient arrivés devant leur salle. Souta plaça sa main sur la poignée.Hibanaki: "
Dans la mienne, si."
Il ouvrit la porte, et les deux amis entrèrent en silence dans la salle.Professeur: "Pour le prochain cours, terminez la feuille d'exercice, et révisez bien la leçon que l'on vient de terminer. Il y aura une interrogation de dix minutes dessus."
"Levez-vous!" "Saluez!"
Une fois son cours terminé, le professeur quitta la salle, laissant les élèves seuls, libres de se déplacer pour rejoindre leurs amis et discuter en toute tranquillité. Souta discutait avec Touko et d'autres camarades, quand un élève de première année fit irruption dans la salle et vint s'adresser à lui."Hibanaki!"
Hibanaki: "C'est pour quoi? Par pitié, dis-moi que ce n'est pas pour rejoindre un de ces fichus clubs."
"Euh... C'est justement à propos des clubs..."
Souta soupira et se retourna aussitôt, prêt à reprendre sa discussion avec ses amis.Hibanaki: "Alors va-t-en."
"Attends! C'est à propos des clubs, mais ce n'est pas un d'eux qui m'envoie!"
Souta eut un frisson. Il se retourna sans rien dire, fixant le jeune garçon."Le principal m'envoie. Il veut te voir dans son bureau immédiatement."
S'il y avait bien une chose que Souta détestait, c'était aller dans le bureau du principal. Et ce pour un millier de raisons. Le trajet, d'abord. Il lui fallait quitter l'immense bâtiment principal, traverser toute la cour jusqu'au bâtiment administratif, et enfin monter au dernier étage de celui-ci. Là-bas, il n'y avait pas d'escalier mécanique, juste de vieux escaliers traditionnels. Il y avait bien un ascenseur, mais il était réservé à l'administration. À une époque, un badge était nécessaire pour pouvoir le démarrer, mais d'après les rumeurs, depuis que des élèves étaient parvenus à piquer un de ces badges, ils avaient remplacé le lecteur par un scanner biométrique. Il faut croire que le directeur ne voulait vraiment pas que ses élèves empruntent cet ascenseur. Peut-être qu'en les obligeant à monter quatre étages d'escalier à chaque convocation, il comptait les dissuader d'enfreindre le règlement pour ne plus jamais avoir à remettre les pieds dans ce bâtiment. La deuxième chose que Souta détestait dans ce bâtiment, c'était l'odeur. Celle du bureau du principal, en particulier. Le principal Kimura était un homme dont l'âge dépassait la cinquantaine, et dont les goûts étaient au moins deux fois plus vieux. On aurait pu comparer son bureau à un musée d'antiquités, tant les meubles paraissaient anciens, tant la poussière envahissait la pièce, et tant tout dans ce bureau sentait le vieux et le renfermé . À croire que mêmes les femmes de ménage avaient peur de pénétrer dans son bureau pour y faire leur travail. Car, et c'était là la troisième chose qu'il haïssait le plus dans cet endroit, à chaque fois que l'on se tenait devant la porte de ce bureau, on ne pouvait s'empêcher de se sentir mal à l'aise, anxieux, voire même terrorisé. Le principal Kimura n'était pas bien méchant, mais en général, lorsqu'on était convoqué dans son bureau, c'était bien souvent pour un problème grave et lourd de ****équences. Souta ne faisait pas exception à la règle. La dernière fois qu'il avait été convoqué par le principal, c'était suite à une bagarre qu'il avait eu dans la cour avec d'autres élèves, et même s'il ne s'en était au final tiré qu'avec une heure de retenue, le long discours moralisateur du principal l'avait tellement intimidé que depuis il redoutait d'entrer à nouveau dans ce bureau. La peur au ventre, il frappa à la porte. Il n'eut pas de réponse. Il attendit quelques secondes, puis se décida à ouvrir la porte et entrer.Le principal se tenait debout derrière son bureau, dos à la porte, regardant par la fenêtre. Il observait la grande cour du collège, perdu dans ses pensées. Il n'avait visiblement pas remarqué la présence de Souta. Celui-ci, se tenant toujours sur le seuil de la porte, frappa à nouveau le bois de la porte pour prévenir de sa présence. Le bruit fit sursauter le principal, qui se retourna aussitôt. Un sourire chaleureux se dessina sur son visage en voyant Souta.Principal: "
Souta-kun. Ne reste pas là, entre, mon garçon."
Souta entra timidement en refermant la porte derrière lui. Tout en s'asseyant sur son fauteuil, le principal lui fit signe de s'asseoir sur une des chaises placées face au bureau. Souta s'exécuta. Le principal écarta les dossiers qui trainaient sur son bureau pour faire de la place, et sortit une pochette d'un tiroir, qu'il ouvrit et dont il disposa le contenu face à Souta. Trois paquets de feuilles agrafées les unes aux autres.Principal: "Qu'est-ce que tu vois devant toi, mon garçon?"
Hibanaki: "Un homme qui s'obstine à conserver des dossiers papier à l'ère de l'informatique."
Le principal ricana.Principal: "Avec tous ces bugs, et toutes les failles de sécurité exploitables par n'importe qui, rien ne vaut à mes yeux un bon vieux dossier papier rangé dans un tiroir fermé à clé, mon garçon. Mais je te parlais plutôt de ces feuilles que j'ai disposées devant toi. Qu'est-ce que c'est, dis-moi?"
Hibanaki: "... Un tableau de données."
Principal: "Mais encore?"
Souta soupira. Il n'avait même pas besoin de lire ces feuilles pour comprendre de quoi il s'agissait et où le principal voulait en venir.Hibanaki: "C'est un tableau avec les noms de chaque élève... et le club d'activités qu'ils ont intégré, monsieur."
Principal: "Exactement."
Il prit le premier dossier et le feuilleta.Principal: "Ici, nous avons tous les élèves de première année."
Il reposa le dossier et prit le suivant.Principal: "Celui-ci répertorie tous les élèves de seconde année, et l'autre, tu t'en doutes, ceux de troisième année. Tu es bien en deuxième année, n'est-ce pas?"
Hibanaki: "Oui, monsieur."
Principal: "Hibanaki... Voyons voir... Là, te voilà.
Hibanaki Souta. Classe: 2-3. Activité: ..."
Hibanaki: "...la case est vide."
Principal: "La case est vide."
Le principal posa le dossier ouvert à la page où apparaissait le nom de Souta.Principal: "De tous les élèves du collège, toutes années confondues, tu es le seul, Souta-kun,
le seul à avoir une case "activité" vide. Tout le monde a rejoint un club, sauf toi."
Souta resta silencieux. Il n'osait pas prendre la parole, et de toute manière il ne savait pas quoi dire.Principal: "Tu le sais très bien, pourtant. Chaque élève est obligé d'adhérer à un club d'activités. Ça fait partie du programme. Vous êtes tous notés pour votre investissement dans le club; si tu ne fais partie d'aucun club, tu n'as pas de note; si tu n'as pas de note... Tu ne passes pas en troisième année."
Hibanaki: "... Je sais."
Principal: "L'an dernier, tu faisais partie du club de manga, non? Pourquoi ne pas avoir continué? Tu dessinais très bien en plus, il me semble."
Hibanaki: "Je ne m'entendais pas avec les membres du club. Ils passaient leur temps à dessiner des yaoi, et je m'en passerai volontiers cette année."
Le principal n'avait aucune idée de ce que "yaoi" signifiait, et ne préféra pas demander.Principal: "Oublions le club manga. Il reste la chorale, le club de théâtre, ou le club de shôgi."
Hibanaki: "Je chante très mal, je n'aime pas apprendre des textes par cœur, et le shôgi... Je comprends même pas comment ce club fait pour avoir des membres."
Principal: "Et les sports? Tennis, athlétisme, natation, basket, volley-ball, kendô, sumo — hm, quoique, tu n'as pas la carrure pour être sumo... Parmi tous ces sports, il n'y en a pas un seul qui t'intéresse?"
Hibanaki: "Pas un seul."
Principal: "Alors qu'est-ce qui t'intéresse?"
Hibanaki: "Le foot."
Le principal soupira.Principal: "Nous y voilà."
Le silence régna dans le bureau pendant un moment. Le principal laissa échapper un nouveau soupir, puis se leva et retourna près de la fenêtre, observant la cour comme précédemment.Principal: "Le problème, c'est que nous n'avons pas de club de football."
Hibanaki: "Et pourquoi pas??"
Le principal resta silencieux. Sans détourner le regard de la cour, il reprit la parole. Pendant un instant, Souta eut l'impression qu'il tremblait.Principal: "Nous n'avons pas besoin d'une équipe de football. Ce serait dépenser beaucoup d'argent pour pas grand chose. Nous avons déjà onze clubs d'activités culturelles et sportives, c'est largement suffisant."
Hibanaki: "Pourtant, je suis sûr que ce club aurait du succès! Le football est un sport très populaire, simple, n'importe qui peut y jouer! En plus, tous les collèges de la région ont leur propre équipe, pourquoi pas nous...??"
Le principal lui coupa la parole, haussant le ton.Principal: "C'est inutile de discuter. Nous n'avons pas de club de football et c'est tout. Nous n'en avons jamais eu, et je ne vois pas pourquoi nous devrions en avoir un maintenant!"
Souta fut surpris par le ton qu'avait pris le principal. Intimidé, il n'osa pas répondre. Un nouveau silence s'installa dans le bureau. Le principal finit par se retourner et, s'efforçant de garder le sourire, il reprit la parole d'une voix plus calme.Principal: "Souta-kun. Dans la vie, on ne peut pas toujours faire uniquement ce que l'on aime. Il y a des moments où l'on se retrouve forcé de faire quelque chose de différent de ce qui nous plait, et il faut bien le faire. Je te laisse une semaine. Réfléchis longuement, essaye-toi aux différentes activités, et choisis un club définitif pour l'année. Tu es un élève brillant, ce serait du gâchis que tu redoubles à cause d'une histoire de "je n'aime pas ce qu'il y a au menu". Prends le temps de réfléchir et reviens me voir quand tu auras pris ta décision."
Souta acquiesça. Le principal lui fit un signe de la tête, lui faisant comprendre qu'il pouvait partir. Souta se leva, salua le principal et se dirigea vers la porte. Au moment de la refermer, il vit que le principal regardait de nouveau par la fenêtre, et il crut l'entendre soupirer une dernière fois. Il ferma la porte, et quitta le bâtiment."
Nous n'en avons jamais eu, hein?"
Le principal se retourna, surpris.Principal: "Oh. C'est vous, Takumi. Je ne vous avais pas entendu entrer."
Takumi: "J'étais venu déposer un dossier à la scolarité, dans le bureau d'à côté, et j'ai entendu quelques bribes de votre conversation avec cet élève... Hibanaki, c'est bien ça?"
Le principal s'assit et s'enfonça dans son fauteuil.Principal: "Ce gamin possède un de ces caractères... Têtu comme une mule."
Takumi: "Et il aime le foot."
Principal: "Bah! Quel gamin aujourd'hui n'aime pas le foot?"
Takumi: "Les gamins, je ne dis pas. Des adultes comme nous, en revanche..."
Le principal soupira.Principal: "Nous avons vécu des choses que des enfants comme Hibanaki ne pourraient comprendre. Je ne suis même pas sûr que nous ayons nous-même réellement réalisé tout ce qui s'est produit. Le mieux à faire est d'oublier cette sombre histoire et de faire comme si elle n'avait jamais eu lieu."
Takumi: "Si vous le dites, Kimura. Si vous le dites..."
Souta sortit du bâtiment administratif. À sa grande surprise, Touko se tenait devant l'entrée.Hibanaki: "Touko? Qu'est-ce que tu fais là?"
Touko: "Je t'attendais, tiens."
Souta sourit. Ils repartirent tous les deux vers le bâtiment principal.Touko: "Alors comme ça tu risques carrément un redoublement?"
Hibanaki: "Ouaip. Ce système d'activités est vraiment stupide..."
Touko: "Qu'est-ce que tu vas faire, du coup?"
Hibanaki: "C'est pas comme si j'avais vraiment le choix."
Touko: "Tu pourrais rejoindre la troupe de théâtre. On fait du théâtre d'improvisation, ça devrait te plaire."
Hibanaki: "Nan. J'ai mieux."
Hibanaki se retourna et observa le bâtiment administratif.Hibanaki: "Je vais prouver au vieux Kimura que créer un club de foot vaut le coup, que ce sport peut intéresser beaucoup d'élèves. Je vais lui montrer ce que c'est qu'un club
excitant!"
Touko: "Hein?"
Hibanaki: "C'est simple...
Je vais créer mon propre club de foot!!"
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